Blogue Axel Evigiran

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La dispersion est, dit-on, l'ennemi des choses bien faites. Et quoi ? Dans ce monde de la spécialisation extrême, de l'utilitaire et du mesurable à outrance y aurait-il quelque mal à se perdre dans les labyrinthes de l'esprit dilettante ?


A la vérité, rien n’est plus savoureux que de muser parmi les sables du farniente, sans autre esprit que la propension au butinage, la légèreté sans objet prédéterminé.

Broutilles essentielles. Ratages propices aux heures languides...


22 oct. 2017

L’abbé Meslier, Mémoire contre la religion, d’un curé athée


Lorsqu’on évoque la figure du bon vieux curé d’Etrépigny, Jean Meslier, on songe d’ordinaire à ces mots ailés, pour parler comme Homère : « Je voudrais, et ce sera le dernier et le plus ardent de mes souhaits, je voudrais que le dernier des rois fût étranglé avec les boyaux du dernier prêtre. » Or, si la phrase se trouve peut-être formulée de la sorte dans le mitan de son Mémoire contre la religion[1], dans l’avant-propos de cet étouffe-chrétien pour le meilleur, Meslier indique devoir la formule « à un homme qui n’avait ni science ni étude, mais qui, selon les apparences, ne manquait pas de bon sens pour juger sainement de tous ces détestables tyrannies que je blâme ici… ».  Un quidam qui, en effet, souhaitait « que tous les grands de la terre et que tous les nobles fussent pendus et étranglés avec des boyaux de prêtres ». Vaste entreprise !

La première fois que me vinrent à l’oreille les frasques biographiques ce bien singulier prélat, ce fut en 2006 ou 2007, lors des sessions estivales sur les ondes de l’université populaire de Michel Onfray. Ce nom en fait aujourd’hui sans doute sursauter plus d’un. Peu importe. Et quoi qu’on puisse en penser, pour peu que l’on ait conservé sa capacité de distanciation, on pourra à minima reconnaitre au normand sa propension à se comporter en ouvreur de pistes - certes il débroussaille à grands coups serpe, ce qui ne va pas sans approximations, partis-pris ni erreurs…. Rien d’ailleurs n’oblige à le suivre en ses raisonnements - on n’est jamais contraints à consentir, mais juste invités à mettre en branle les linéaments propres à nourrir le piment de notre esprit critique ;  et surtout lire par soi-même les auteurs abordés.

Bref, cette année-là il était question des Ultras des Lumières. Meslier ouvrait le bal. Mise en bouche en fanfare ! Car si rencontrer un curé ostensiblement athée n’est pas l’ordinaire des jus de messe, en trouver un à cette époque-là, ayant pris la peine 10 années durant (de 1719 à sa mort en 1729), le soir après son office, de noircir des milliers de feuillets pour clamer sa détestation de la religion et de ses représentants, relève du miraculeux. Certes, en ces temps de dévotion inquisitoriale, il s’est trouvé moult paillards et autres débauchés notoires ayant pu revêtir l’habit ecclésial. Ainsi le trop fringuant Urbain Grandier, tentateur aux belles moustaches jeté au milieu d’un couvent de nones prises de Furor Uterinus. Mais on sait comment se termine ce genre d’affaires. Sur le bûcher !  Trente-quatre avant lui, Giordano Bruno en février 1600, pour sa thèse des mondes multiples et sa théorie des réincarnations des âmes, avait été lui aussi mis sur les fagots du Campo De’ Fiori à Rome. C’est dans ce contexte qu’en 1633, apprenant la condamnation de Galilée par l’Inquisition, Descartes décide de renoncer à la publication de son traité du Monde. Si les motifs varient, le supplice demeure. A cette époque, après une accalmie, la chasse aux sorcières ravive ses flammes ; s’y adjoignent cohortes de loups garous[2]. Une affaire similaire à celle des diables de Loudun avait également défrayé la chronique en 1610/11, celle des possessions d’Aix-en-Provence qui s’achèvera par la mort, après moult tortures, de Louis Gaufridi[3], moine bénédictin, rendu coupable de séduction diabolique. A titre d’exemple, Il y aura encore Adrienne d'Heur, orfèvre à Montbéliard, autre victime du Malleus  Maleficarum et qui sera également soumise à la torture avant d’être brûlée vive en 1646. La liste est loin d’être exhaustive. Ceci pour planter le décor.

De quoi donc calmer les ardeurs matérialistes de qui va naître en 1664 dans le creuset des Ardennes, l’année où se donna à Versailles la première version du Tartufe de Molière. Car Meslier, qui ne voulait pas faire de peine à ses parents, fera sienne la prudence, vertu épicurienne s’il en est : « Le plus grand des biens, c’est la prudence. Il faut la mettre au-dessus de la philosophie elle-même, puisqu’elle est faite pour être la source de toutes les vertus »[4]. Une prudence extrême qui lui fera toute sa vie cacher ses sentiments réels à propos de la religion sous les couches d’un paraître acceptable. Pourtant, entre le quotidien du curé plongé au milieu de ses paroissiens et la certitude que « ces inventions-là ne sont que des brides à veaux, comme le disait le sieur de Montaigne », la tension est vive : « Je haïssais grandement toutes ces vaines fonctions de mon ministère, et particulièrement toutes ces idolâtriques et superstitieuses célébrations de la messe (…) Je les ai mille et mille fois maudites dans le cœur lorsque j’étais obligé de les faire ».

Exutoire de l’écriture, assorti du besoin de témoigner qui pousseront Meslier à réaliser plusieurs copies de son manuscrit, brûlot qu’il disséminera aussi bien chez lui qu’entre des mains assermentées :
« Quoiqu’il ne soit ici question que de deux exemplaires du fameux Testament du Curé Meslier, tous les biographes de ce grand penseur s’accordent à raconter qu’après sa mort on en trouva chez lui deux exemplaires, écrits de sa main, tandis qu’un troisième avait été déposé par lui-même de son vivant au greffe de la justice (…) Le Comte de Caylus eut quelque temps entre les mains une de ces trois copies, et bientôt après il y en eut plus de cent dans Paris, que l’on vendait dix louis la pièce ».
Pour toute explication, sur un papier qui enveloppait l’exemplaire laissé à l’attention de ses paroissiens, Meslier nota :
« J’ai vu et reconnu les erreurs, les abus, les vanités, vies folies et les méchancetés des hommes ; je les ai haïs et détestés ; je ne l’ai osé dire pendant ma vie, mais je le dirai au moins en mourant et après ma mort, et c’est afin qu’on a le sache que je fais et écris le présent mémoire, afin qu’il puisse servir de témoignage de vérité à tous ceux qui le verront et qui le liront, si bon leur semble. »
C’est que l’ennemi des idolâtres et autres superstitieux déicoles en a gros sur le cœur. Et peu lui chaut les condamnations post mortem. Il sait les arrières-mondes de pures chimères. Aussi ne craint pas les représailles éventuelles que l’on pourra faire sur sa dépouille : «  … qu’ils fassent de mon corps tout ce qu’ils voudront : qu’ils le déchirent, qu’ils le hachent en pièces, qu’ils le rôtissent ou qu’ils le fricassent, qu’ils le mangent même encore, s’ils veulent (…) : je serai pour lors entièrement hors de leurs prises, rien ne sera plus capable de me faire peur ». Meslier l’affirme sans une once d’ambiguïté : « il n’y a plus aucun bien à espérer ni aucun mal à craindre après la mort ».

Page du manuscrit de Meslier
Ce gros manuscrit autographe, ramassé sous le titre de Mémoire contre la religion, en réalité se nomme : « Mémoire des pensées et des sentiments de J(ean) M(eslier) Prê(tre)-cu(ré) d’Estrep(igny) et de Bal(aives) Sur une partie des Erreurs et des Abus de la Conduite et du Gouvernement des Hommes, où l’on voit des démonstrations claires et évidentes de la vanité et de la fausseté de toutes les Divinités et de toutes les Religions du Monde pour être adressé à ses Paroissiens après sa mort et pour leur servir de Témoignage de Vérité à eux, at à tous leurs semblables ». Vaste programme !
L’édition intégrale, paru chez Coda en 2007, de ce Mémoire contre le religion est ainsi un véritable  monument philosophique et littéraire. Il est plaisant d’y découvrir, accompagnant l’avant-propos, la première page de l’un des trois manuscrits, ainsi que la reproduction d’une Eau-forte  de Goya, « Le sommeil de la raison produit des monstres ».
L’ouvrage « relève du rococo, certes, mais dans les deux sens du terme : encombré, touffus, profus -, mais aussi le sens esthétique relatif aux premières années du XVIIIe siècle français. La philosophie n’échappe pas à couleur du temps, un livre, même didactique, obéit aux mêmes lois que toute autre œuvre d’art »[5].
Ce Mémoire contre la religion n’est d’ailleurs pas à confondre avec  le Testament de Jean Meslier  ni avec le Bon sens du curé Meslier qui… ne sont pas de Meslier ! (j’y reviendrai).
Ce pavé à l’écriture serrée se décline en huit preuves, elles-mêmes constituées de plusieurs chapitres chacune. Ainsi, la première preuve s’ouvre-t-elle sur De la vanité et de la fausseté des religions, qui ne sont toutes que des inventions humaines. Bases sur lesquelles Meslier enchainera par un court chapitre ou se trouvé évoqué les Raisons pourquoi les politiques se servent des erreurs et des abus des religions. Et ainsi de suite…
C’est en compagnie des grands anciens que le soir Meslier rédige son Mémoire.  Montaigne y a bonne part. Mais on trouve aussi au fil des pages l’influence de La Boétie, Tite-live, Sénèque, La Bruyère ou encore Lucien de Samosate, etc.
Les citations sont parfois tordues ou altérées, restituées partiellement ou de mémoire. Mais démonstration fait mouche ! Ainsi reprend-il et résume, par exemple, un dialogue de Lucien intitulé Le menteur d’inclination, ou l’incrédule : « … je pardonne aux villes qui le font (mentir) pour rendre leur ville plus auguste. Mais de voir, dit-il, des philosophes qui travaillent à la recherche de la vérité, se plaire à conter et à entendre des fables de cette nature comme si c’étaient des vérités infaillibles, c’est, dit-il, ce que je ne puis comprendre et que je trouve tout à fait ridicule et insupportable ; car je viens, continue-t-il, tout présentement de chez ***, où j’ai ouï tant de fadaises que j’ai été contraint de sortir, ne pouvant souffrir ceux qui les débitaient ni ceux qui prenaient plaisir à les entendre ».
Ailleurs, à propos des miracles : « Les miracles, dit fort judicieusement le sieur de Montaigne, sont selon l’ignorance où nous sommes de la Nature, et non pas selon l’être de la Nature même »[6]. Il s’en amuse même. Ainsi à propos des oiseaux : « Il est dit que saint François commandait aux hirondelles, aux cigales et autres oiseaux, et qu’ils lui obéissaient… ».

Goya, Le sommeil de la raison produit des monstres
Entre autres joyeusetés, le curé d’Etrépigny passe au crible les nombreuses contradictions des évangiles. Confronte page à page les quatre écrits canoniques. Il n’est d’ailleurs pas dupe, c’est l’église elle-même qui a déclaré « dans ses conciles quels étaient les livres qui auraient été inspirés par Dieu et quels étaient ceux qui ne l’auraient pas été, recevant les premiers comme authentiques et rejetant les autres comme apocryphes. C’est ce qu’elle  déclaré dans le troisième concile de Carthage sous le pape Cyrille, au canon 47e, vers l’an 397 ».Et, emporté par son élan de s’insurger : « toutes les religions (…) enseignent et obligent de croire comme surnaturel et divin (…) erreur, mensonge, illusion et imposture… »

« Tant la religion put conseiller de crimes ! ». La phrase est de Lucrèce. L’abbé Meslier, filant son chemin dans cette lignée de penseurs matérialistes, aurait pu la faire sienne[7]. Lui qui constatait que « La religion soutient le gouvernement politique, si méchant qu’il puisse être ; et à son tour, le gouvernement politique soutient la religion, si vaine et si fausse qu’elle puisse être ». Où, pour le dire à la manière de Cioran : « On ne tue qu’au nom d’un dieu ou se ses contrefaçons »[8].
L’athéisme est ici radical, à rebours de ce qu’en fera Voltaire, qui s’efforcera d’édulcorer « l’amère potion ». Car Arouet aura vis-à-vis du curé d’Etrépigny la même attitude que les anciens qui, voulant tordre ou combattre les thèses d’auteurs réputés subversifs, contribueront à les installer dans les mémoires pour la postérité. L’art du palimpseste ou du faux !
« Jean Meslier meurt fin juin 1729 (…) Voltaire entend parler de ce trésor par Nicolas Claue Thiriot, un ami d’enfance. Il lui signale l’existence de cet objet philosophique dangereux dans une lettre datée de l’hiver 1735 (…) »[9]. Le temps passe et le manuscrit circule sous le manteau… Pour éteindre l’incendie, et en désamorcer la charge, l’auteur des Lettres philosophiques se résout à faire « paraitre en 1761 un faux défigurant le travail de Meslier (où) il passe sous silence l’athéisme, le matérialisme (…) mais surtout, il falsifie les propos du curé pour le transformer en déiste adepte, comme lui, de la religion naturelle… In cauda venenum, Voltaire conclut ce texte en précisant que l’ouvrage est… ‘le témoignage d’un prêtre mourant qui demande pardon à dieu’ »[10] !
Et pour ceux qui penseraient la version du philosophe normand outrancière, allons y regarder du côté des amis de Jean Meslier : « Voltaire en mutile et falsifie le propos puisqu’il fait, dans sa présentation même, passer le théoricien fondateur de l’athéisme pour un déiste « voltairisé », utilisant exclusivement Meslier comme une arme dans son propre combat contre l’Église et le christianisme, et en excluant méticuleusement les démonstrations athées, matérialistes, communistes et révolutionnaires – c’est-à-dire l’essentiel de ce par quoi Meslier innove ! Comme nous le disions, cette mutilation voltairienne du Mémoire de Meslier est par ailleurs souvent assortie, en un même ouvrage, sous forme de publications qui ont circulé et circulent encore tant en versions livresques que virtuelles du Bon sens du curé Meslier, une œuvre athée d’Holbach au titre fallacieux en fait qui, en conséquence, n’est nullement celle de Meslier. »[11]
Et si l’on confond parfois le livre de Voltaire avec celui de
Meslier, la même méprise peut se produire avec « Le Bon sens »[12], qui est en fait l’œuvre du baron d’Holbach, ce « maitre d’hôtel de la philosophie »[13] l’ayant fait paraitre anonymement en 1772. C’est en 1822 que l’amalgame opère avec le manuscrit de Meslier, année où « la plupart des éditeurs publient Le Bon-Sens en le présentant comme le « testament » du curé Meslier. » Aujourd’hui encore l’erreur persiste chez certains bouquiniste.
En fait, cela ne sera qu’en 1864 à Amsterdam que sera publié le Mémoire contre la religion de Jean Meslier. Il s’agit de la « reproduction du libre-penseur hollandais Rudolf Charles sur base d’une copie non autographe du Mémoire (écrite à partir d’un quatrième manuscrit malheureusement perdu qu’a rédigé Meslier) »[14]
Une dernière source de confusion possible, avec la parution en 1847, « un petit volume in-12° de 244 pages sous le titre Le Bon Sens du curé Meslier. Il fait partie des publications de la « société de Saint-Victor » qui s’est donné pour mission de reconquérir les âmes et de les remettre dans le droit chemin catholique… »[15]. L’auteur en est un certain Collin de Plancy, féru d’occultisme et revenu à l’orthodoxie de la foi catholique. Avec lui, « Meslier devient un curé pris d’un délire temporaire qui revient dans l’orthodoxie avant de mourir : Le Bon Sens et un Testament nouvelle manière sont donc présentés comme les pièces authentiques et seules véritables de cette ultime mise au point qui doit se substituer aux éditions précédentes remplies d’irréligion. »

Sur les animaux, Meslier dénote avec les penseurs de son temps. En accord avec Montaigne, pour qui entre l’homme et l’animal il n’y a pas de différence de nature mais de degré, il dénonce la monstruosité du sort fait aux animaux dans la religion. Le chapitre s’intitule « Folie des hommes d’attribuer à Dieu l’institution des cruels et barbares sacrifices de bêtes innocentes et de croire que ces sortes de sacrifices lui étaient agréable ». Comme souvent chez Meslier, le titre vaut programme. Et de recenser dans les saint Livres, jusqu’à nausée, les appels aux meurtres d’animaux. « Quel carnage ! Que de sang répandu ! Que de bêtes innocentes à écorcher ! », s’écrie-t-il ! Et de chercher dans la chapitre suivant l’ « Origine de ces sortes de sacrifices ». Et pour comprendre l’affreuse mécanique, d’en appeler encore à la sagacité du Sieur de Montaigne, reprenant un passage de l’Apologie de Raymond Sebond, ou il est question de remplir les autels « d’une boucherie non de bêtes innocentes, mais d’hommes aussi ». Et Meslier d’insister : « Quelle folie dans les hommes de croire que les dieux ne pourraient ou ne voudraient s’apaiser que par la mort violente des innocents ? ».
Le curé revient en détail sur le sujet des animaux dans un des chapitres de la huitième preuve. Là encore le titre à lui seul résume tout : « Les pensées, les désirs, les volontés, les sensations du bien ou du mal, ne sont que des modifications internes de la personne ou de l’animal qui pense, qui connaît, ou qui sent du bien ou du mal ; et quoique les hommes et les bêtes ne soient composés que de matière, il ne s’ensuit pas de là que les pensées, que les désirs, ni que les sensations de bien ou de mal dussent être des choses rondes ou carrées, comme les cartésiens se l’imaginent, et c’est en quoi ils se rendent ridicules, comme aussi en ce que sur une si vaine raison, ils prétendent priver les bêtes de connaissance et de sentiment, laquelle opinion et c’est très condamnable et pourquoi ». Le chapitre est long, consistant et argumenté. Le sujet tient à cœur à Meslier qui cible les naïvetés et égarements des cartésiens avec leurs stupide théorie des animaux machines !
On y lit en liminaire que « l’âme n’est pas spirituelle ni immortelle, comme les cartésiens le prétendent et que les superstitieux déicoles voudraient nous le persuader ». Un peu plus loin : « Dans les animaux il n’y a, disent-ils, ni intelligence, ni âme, comme on l’entend ordinairement ; ils mangent sans plaisir, ils crient sans douleur, ils croissent sans le savoir, ils ne désirent rien, ils ne connaissent rien… ». Suit la démonstration ou, sur pas loin de vingt pages, Meslier ruine l’absurde thèse ; le bon sens paysan y ayant sa part : « Dites un peu à des paysans que leurs bestiaux n’ont point de vie ni de sentiments, que leurs vaches et que leurs chevaux, que leurs brebis et moutons ne sont que des machines aveugles et insensibles au bien et au mal, et qu’ils marchent que par ressorts, comme des machines et comme des marionnettes, sans voir et sans savoir où ils vont. Ils se moqueront certainement de vous ». Tout est dit !

Il y aurait tant encore à dire. Mais il faut mesure conserver. A chacun d’aller ensuite son chemin, et ceux qui voudront se perdre dans les méandres de ce Mémoire contre la religion n’auront pas tout à fait perdu leur temps.
A noter enfin que tous les portraits de l’abbé sont fantaisies et purs produits de l’imagination. Aucune représentation attestée ne figure le curé d’Etrépigny. 
Par davantage on n’en retrouvera  la tombe.

ite missa est[16] 





[1] Je n’en suis pas encore arrivé au terme, et ne puis donc être assuré de la formule exacte.
« … jusqu’au milieu du XVIe siècle, il y a peu de sorcellerie en France. En revanche, il y a beaucoup de loups garous. Il faut joindre aux sorciers les loups garous, car ils se ressemblent fort. Quelques fois le loup garou est le diable, quelquefois c’est un véritable loup ensorcelé par Satan ».
[3] L’article Wikipédia relatant cette affaire mérite vraiment le détour :  https://fr.wikipedia.org/wiki/Possessions_d%27Aix-en-Provence

[4] Lettre à Ménécée
[5] Michel Onfray, Les ultras des Lumières, Grasset 2007.
[6] Meslier indique : Essais, p79. Je complète par la note de bas de page des éditions Coda : Livre I – XXIII : De la coutume et de ne changer aisément une loi reçue. Meslier ajoute le mot même.
[7] Il se trouve d’ailleurs reproduite par Meslier à plusieurs reprises, par exemple dans le chapitre XXIII (p126)
[8] Précis de décomposition
[9] Michel Onfray, Les ultras des Lumières, Grasset 2007.
[10] Les ultras des Lumières (op citée)
[12] Le titre exact est à l’origine : « Le Bon-Sens ou Idées naturelles opposées aux idées surnaturelles »
[13] « Ami de Diderot et de d'Alembert, le baron d'Holbach est surnommé le « maître d'hôtel de la philosophie » car il reçoit les plus grands philosophes des Lumières dans son Salon »   http://classes.bnf.fr/essentiels/grand/ess_1292.htm
[16] Aller vous-en, la messe est dite

19 oct. 2017

Promenade en automne, du côté du marécage

Marécage perdu du nord de la France (photo par Axel)

A chaque saison son ciel et son horizon, à chaque instant sa mélodie. Variation de nuages emportés au-dessus de nos têtes vers des ailleurs sans lendemain.
Le marécage respire et se reflète dans les joncs. Paré de sa ramure d’automne il s’étonne de cette pluie de feuilles tourbillonnant dans un clapotis d’ombre sans fin. Paillettes d’or, gouttes cramoisies arrachées à la longue chevelure des arbres et qui ruissellent à la mort.
Il fait si chaud. Si chaud pour cette fin d’octobre !

Au pays des oiseaux.... (photo par Axel)

Héron cendré (photo par Axel)


Le héron est toujours là dans son habit gris. Coup étiré sous son sourcil sombre il médite. Je le salue et voudrai le remercier mais il ne me voit pas. Sans doute hier les eaux lui paraissaient-elles plus fringantes. Mais c’était hier et aujourd’hui la roselière, les coulures de vases et les couleurs de nos humeurs font voir ce petit monde sous un aspect singulier ; singulier et mobile, pareil à la fabrique des souvenirs tapissant nos âmes. 

Pas très loin de là passe une poule d’eau affairée. Puis, sur l’onde, s’ébroue un grèbe castagneux, juste au-devant de la souche ou repose une cistule, bien à l’abri de sa carapace. Le conciliabule des mouettes prend à cet instant des allures de noce, tandis que l’aigrette et la bernache nonnette, indifférentes au tumulte, conservent altières leur distance. Joueur et faisant le Christ un cormoran sèche ses ailes ; il applaudit, ses regards tournés vers une bande de bécassines des marais suspendues sur la ligne d’un îlot dessiné à leur taille. Bourdonnement de pattes et de coups de becs dessinant des auréoles fugitives sur le miroir de l’onde .

Et il suffit d’une raie de lumière pour conférer à cette assemblée de plume la solennité d’un rendez-vous manqué avec l’histoire. Une succession de présents se suffisant à eux-mêmes. Car ici il n’est rien à interpréter. Juste ressentir…

Joncs (photo par Axel)

Reflet d'une souche (photo par Axel)
La mare n’est pas un endroit pour gens pressés. 
L’œil du promeneur s’y invite. Timide. Craintif. N’effleurant le paysage que du bout la prunelle par peur d’abîmer la simplicité de cette félicité immédiate.
Tandis que le colvert se repose sur la grève, que le vanneau s’agace du filet en accent circonflexe de sa propre voix, que la sarcelle d’hiver livre son augure…
Le souffle d’un faucon de passage, un hobereau probablement. Si vite apparu, si vite emporté… 
Avant que le soleil ne soit ras. 

Poules d'eau (photo par Axel)
Colverts, Aigrette, Mouettes, Vanneau... (photo par Axel)

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Une fois rentré, lire Chateaubriand, lorsqu’en ses Mémoires il évoque les oiseaux :

«  Des jardins élevés en terrasse bordaient le chemin du côté opposé :  il avait fait très chaud ce jour là ; la soirée était charmante, la rosée humectait l'herbe flétrie ;  point de vent, une nuit tranquille ;  l'air était frais sans être froid ;  le soleil après son coucher avait laissé dans le ciel des vapeurs rouges, dont la réflexion rendait l'eau couleur de rose ;  les arbres des terrasses étaient chargés de rossignols qui se répondaient de l'un à l'autre. Je me promenais dans une sorte d'extase livrant mes sens et mon cœur à la jouissance de tout cela, et soupirant seulement un peu du regret d'en jouir seul. Absorbé dans ma douce rêverie, je prolongeai fort avant dans la nuit ma promenade, sans m'apercevoir que j'étais las. Je m'en aperçus enfin :  je me couchai voluptueusement sur la tablette d'une espèce de niche ou de fausse porte, enfoncée dans un mur de terrasse : le ciel de mon lit était formé par les têtes des arbres, un rossignol était précisément au-dessus de moi ;  je m'endormis à son chant :  mon sommeil fut doux ; (…) »

Autoportrait

Chemin de feuilles
Dans le bleu du ciel.... (photo par Axel)

16 oct. 2017

Le soleil tombé dans la mer...

Le soleil tombé dans la mer... La jetée, sous le regard du silence... 
Plénitude de l’instant présent.

Jetée de Grand-Fort-Philippe
Au-delà des vagues...



La vie, tout simplement et ses étranges circonvolutions….

Effet de la houle, juste avant la chute...


8 oct. 2017

En bonne compagnie... Avec Clément Rosset

Lire Clément Rosset, accompagné d'un verre de vin....

Dehors le soir tombe. Je regarde les feuilles déjà rougies du Sumac de Virginie, habité d’un sentiment de plénitude. Magie d’un bon feu de bois qui crépite et m’enveloppe de sa chaleur. Un fond musical tourne sur mon iPod – en aléatoire. Je me suis concocté une tequila surine, que je savoure à lampées minuscules. 

Tantôt je lisais un extrait du de l’esquisse biographique de Clément Rosset. Le philosophe au camembert y évoquait le pur bonheur d’exister et la joie, cette joie comme « dégustation de l’existence », sentiment « inséparable de la connaissance et l’acceptation absolue de tout le tragique de l’existence ». C’est tout à fait cela : une dégustation de l’existence ; volupté du plaisir à être tout simplement !

Le livre est tombé entre mes mains un peu par hasard. Car je m’en allais, c’est devenu si rare, jeudi midi chercher le dernier Frédéric Schiffer... Mais hélas à la librairie point encore de hamac... Mais j’eus par contre la joie de découvrir, sous une jolie couverture blanche encre marine, ce petit recueil d’entretiens avec Santiago Espinosa dans le rôle de l’interviewer...

Depuis lors je déambule dans le livre sans hâte, à pas minuscules, ravi.  Raffolant de ces anecdotes qui tapissent l’existence de leur singularité ; ces « je ne sais quoi et presque rien », si essentiels, mais qui au fond n’expliquent rien – et c’est tant mieux ! 
Une phrase soulignée ici, un paragraphe entouré là, car les livres se vivent… Ainsi à propos des Matinées savantes
« On y ajouté le Discours sur l’écrithure (avec un « h » comme pastiche de la façon dont Derrida écrit différence et différance). Derrida n’a jamais pu l’avaler. » Un travers que Rosset reconnais d’ailleurs avoir eu dans ses premiers écrits : 
« Il y a eu cette époque, et j’en suis un peu désolé, où je pensais que, pour faire de la philosophie, il fallait écrire des choses qui paraissent un peu énigmatiques, des chose qui n’ont pas grand sens mais vont dans le goût du jour ». 
Mais pour lui, très vite, « qui disait réflexion philosophique, disait clarté, aucune complication, aucune ambiguïté, et pour cela il faut bien écrire, c’est-à-dire simplement… »

Autre passage :
Dans la joie, la musique y a sa part. Et le philosophe de penser en particulier à « ce thème récurrent chez Nietzsche qui fait de la musique une expérience cruciale et la condition sine qua non de l’apparition de la joie : ‘Sans musique la vie serait une erreur’ ».

Quant à l’éternel retour (du même) : 
Santiago Espinosa : « … imaginez que Ségolène Royal va revenir toute l’éternité ? »
Clément Rosset : « C’est un scénario digne d’un film d’épouvante ! »

Et ainsi de suite. Bref, un livre indispensable…